Jean-Jacques Mel – Étrange Étranger »
La Mouche Production
« J’suis resté un enfant/Pas vu passer le temps », chante Jean-Jacques Mel dans « Au Courégant », extrait de son nouvel album.
Ceux qui connaissent le chanteur du Courégant, petit coin de paradis breton du bord de mer où il vit depuis des années, savent que ce haïku lui ressemble terriblement dans le sens où le récent septuagénaire a gardé cette formidable faculté de s’émouvoir et cette énergie le poussant à vite passer d’un projet à l’autre.
Son précédent disque, en 2021, il l’avait initié lors d’un séjour à Memphis qui l’avait amené, pour ses quarante ans de chanson, à puiser dans son répertoire pour un « best of » colorié de folk-blues.
Pour « Étrange étranger », son septième album, J.J. Mel a voulu changer de direction en confiant ses nouveaux titres à un ami-musicien, Yvan Guillevic, leader du groupe metal Heart Line. Virage à 180 degrés ? Pas forcément quand on sait que les « hardeux » ont souvent une grande culture musicale, Yvan se disant lui-même fan de Bashung et de Lavilliers. L’idée a simplement été d’insuffler un peu plus de rock, de profondeur dans ces chansons.
« J’ai tout de suite proposé à Jean-Jacques quelque chose d’un peu plus étoffé, plus produit, en soignant particulièrement les arrangements », explique Yvan, qui a appelé les musiciens de son groupe pour l’aider à peaufiner le projet. Et cela se sent dès le premier titre, un souvenir amoureux, « Le sourire de Catherine », impulsé par la basse, éclairé par la guitare électrique.
Dans « Au Courégant », au texte plutôt grave, Jean-Jacques propose un talk-over (parlé-chanté) du meilleur effet, à la Gainsbourg. « Saint-Nazaire », c’est la ville où l’adolescent qu’il était « prend conscience du monde ouvrier, nous glisse-t-il, où j’ai commencé à penser aux autres, où je suis devenu militant. » Une guitare acoustique ouvre ce titre aux phrases rugueuses.
« Ce qui nous importait, reprend Yvan Guillevic, c’était de servir au mieux les mots, faire ressortir l’émotion de la voix. » Pour « Hurler les salauds », texte rebelle par excellence, le guitariste metal a choisi de dégainer tous les attributs du blues. Alors que pour « Étrange étranger », il a préféré un habillage plus country-rock, quand « Puisque je chante encore » a la fluidité de cette musique américaine conçue pour la route.
Bref, à l’écoute de cet album, on comprend que ces deux-là se sont bien entendus afin que les idées musicales d’Yvan Guillevic épousent au mieux la qualité des mots et la force des thèmes de Jean-Jacques Mel. Après tout, à deux, on est forcément plus fort…
Michel Troadec